L’interprétation

 

 

La philosophie nous aide à appréhender la vie. Selon Kant, cela peut se résumer à trois questions : que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que puis-je espérer ? Les deux premières questions nous invitent à investiguer le réel et l’action.

 

A l’origine, l’herméneutique est l’art d’interpréter les textes anciens, notamment religieux comme la Bible. Le texte est le même pour tous. Il ne révèle son véritable sens qu’à celui qui fait l’effort de le déchiffrer pour découvrir le sens caché, ce qu’il ne dit pas explicitement. L’interprétation est donc la recherche de l’implicite.

 

Aujourd’hui, l’interprétation concerne d’autres domaines. Un chanteur, un comédien interprètent des textes, un pianiste une partition. De même, la psychanalyse propose une méthode d’interprétation des rêves, etc. L’interprétation semble toute subjective, arbitraire, alors que la démonstration scientifique paraît plutôt objective. Les frontières sont-elles aussi nettes ?

 

Nous sommes dans une société qui interprète et commente en permanence car l’homme est perpétuellement en quête de sens : sens de l’existence, de l’histoire, des découvertes scientifiques et technique, du travail, etc. Ce besoin d’interprétation ne traduit-il pas un manque de sécurité ?

 

1 - Interpréter : proposer un sens

 

Interpréter, c’est tout à la fois expliquer, comprendre, traduire, se faire une idée, proposer un sens. Il s’agit donc de la capacité de la raison à rendre compte, à découvrir les lois qui président le monde. Souvent, la découverte de quelque chose qui échappe à notre raison provoque un instant de panique. Le hasard, l’irrationnel, la folie, l’absurde menacent notre équilibre car ils bousculent un sens déjà institué.

 

Le monde est-il compréhensible ? C’est-à-dire accessible par la raison. A-t-il du sens ? La question est à ce jour sans réponse.

 

Parménide, le penseur présocratique, et son poème De la nature, ont influencé Platon. Parménide conçoit l’Etre comme une réalité immuable, éternelle. La théorie platonicienne des Idées découle de cette notion d’Etre. L’Idée n’est pas un objet mental, une représentation de l’esprit. Elle est une réalité qui vit hors et indépendamment de la pensée. Elle appartient à un autre monde : le monde intelligible. Les Idées sont les essences des choses et les objets du monde sensible n’existent qu’en lien avec celui de Idées. Connaître, c’est donc aller au-delà des apparences, des informations qui transitent par les sens.

 

Platon interprète le monde sensible comme une copie déformée du monde intelligible. La mission du philosophe est de réveiller les hommes et de leur montrer l’accès à la vraie réalité.

 

Leibniz affirme que « nous vivons dans « le meilleur des mondes possibles » : tel est le point de départ de sa pensée. En effet, puisque notre monde existe ainsi, c’est parce que c’est la meilleure existence parmi toutes les existences possibles. Individus à l’existence finie, nous ne pouvons pas saisir le sens global de la création et ne pouvons donc comprendre que ce monde est le meilleur possible. Nous ne pouvons juger car nous ne sommes que des hommes. Seul Dieu peut le faire.

 

Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Et puisqu’il y a bien quelque chose, pourquoi les choses sont-elles telles qu’elles sont et non pas autrement ? La réponse est Dieu et l’harmonie préétablie. Dieu est mathématicien. « Ma métaphysique est toute mathématique », écrit-il. Toute chose et donc tout mal a sa raison et contribuera à un mieux être futur. Leibniz distingue trois genres :

 

. le mal métaphysique : tout être créé est imparfait sinon il serait dieu,

. le mal physique : il a une utilité, il peut servir à améliorer l’individu,

. le mal moral, le péché, conséquence de la liberté de l’homme.

 

Mais le bien surpasse de loin le mal. Pour Leibniz, les lois de la nature tendent à une fin optimiste. Son optimisme est la conséquence logique du principe de la raison suffisante.

 

Platon et Leibniz interprètent le monde en postulant qu’il est intelligible et qu’un principe supérieur le gouverne. Les mathématiques sont leur référence et l’illogique, l’irrationnel sont la marque d’une ignorance provisoire (Spinoza) ou d’un dérangement de l’esprit.

 

2 - Interpréter pour transformer

 

La science nous renseigne sur le comment, pas le pourquoi. Mais pourquoi déchiffrer le monde, dans quel but ? Peut-être celui de le transformer ?

 

L’objectif de Descartes est de connaître, expliquer, comprendre, contrôler pour transformer. Son attitude devant le monde est l’attitude de celui qui veut maîtriser la manière pour améliorer les conditions de vie des hommes. La science occidentale et son application, la technique, deviennent opérationnelles à partir de Descartes.

 

Interpréter et agir

 

Interpréter pour agir est aussi l’objectif de Marx. « Le principal défaut jusqu’ici du matérialisme de tous les philosophes y compris celui de Feuerbach est que l’objet, la réalité du monde sensible, n’y sont saisis que sous la forme d’objets ou d’intuitions, mais non en tant qu’activité humaine, concrète, non en tant que pratique de façon subjective », écrit Marx, dans l’Idéologie allemande. Le matérialisme fait procéder les idées de l’activité humaine au sein de la société et de la nature. C’est l’action pratique de l’homme qui fait l’histoire et toute action de l’homme social exige la mise en action de ses sens, de ses capacités intellectuelles, qui produisent les idées, même les plus irrationnelles.

 

Ici, il ne s’agit plus d’interpréter le monde mais de le transformer. L’interprétation motive une pratique. Elle ne répond pas à un besoin idéologique.

 

Platon, Leibniz, Descartes ou Marx pensent que la rationalité humaine résoudra un jour ou l’autre les problèmes de l’intelligibilité du monde en théorie et en pratique. Ce qui sous-entend que le monde a du sens.

 

Que faire alors de l’irrationnel ? Quel rôle pour le poète, le croyant ? Comment interpréter ce qu’ils proposent ? Une solution serait d’attendre que les connaissances soient suffisantes pour le faire. Que faire en attendant de ces expériences ? Peut-être pourrait-on admettre les limites de toute connaissance ? Lorsqu’elle saisit le réel, la raison l’ampute, le réduit, le simplifie et ne peut donc prétendre à l’interpréter. C’est le point de vue de Bergson et de Nietzsche.

 

L’interprétation ou l’herméneutique pose donc problème. Quels sont les critères objectifs qui prouvent que le sens dégagé est bien le sens vrai ?

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