Le devoir

 

 

Le devoir est sans doute la notion qui se rattache le plus à la morale qui peut se définir comme un ensemble de règles universellement valables. La morale a pour but de définir un idéal. Pour les sociologues, la réalité morale, comme tout fait social, dépend des règles qui permettent de vivre en société. Et en ce sens, la morale que nous connaissons est celle de nos parents, de notre pays. C’est une conscience morale collective. Le devoir s’inscrit dans la morale et répond à la question : que dois-je faire ?

 

1 – Distinction entre devoir et obligation

 

Tout devoir, même au sens scolaire, désigne ce qui est « à faire ». Faire son devoir implique une décision, un choix (c'est-à-dire que l’on peut décider de ne pas le faire). Obéir à ce devoir, c’est ressentir une obligation intérieure forte.

 

Il ne faut pas confondre cette obligation avec celle qui relève de la nécessité naturelle : je suis obligé de manger, de respirer. Dans ces cas de figure, la volonté n’intervient pas. C’est la nécessité de la survie du corps qui rend nécessaire ces obligations. Je n’ai pas le choix ; si je ne le fais pas, je meurs. Dans le devoir, c’est la volonté, ma volonté que je choisis d’accomplir, ce que je ressens devoir faire.

 

Certaines obligations ne constituent pas d’authentiques devoirs : je suis contraint d’obéir à mon supérieur hiérarchique et c’est pas intérêt que je le fais sinon je risque de perdre mon emploi. De la même façon, je suis obligé d’emprunter un pont pour passer de l’autre côté de la rive car cela sera plus facile que de traverser la rivière à la nage.

 

Le devoir authentique, celui qui a un sens moral, est indépendant de l’intérêt immédiat, comme des circonstances extérieures. S’il ne l’était pas, il serait déterminé, il ne dépendrait pas d’un choix ou de ma volonté et confirmerait simplement que je suis soumis au déterminisme.

 

2 – Devoir et moralité

 

Les lois de la nature sont soumises au déterminisme et sont inviolables sous peine de sanction immédiate. Les lois humaines sont issues de la raison et ont ceci de particulier : l’homme peut les enfreindre. On ne peut donc contraindre physiquement un homme à faire son devoir par devoir. L’obligation est intérieure et émane de la raison.

 

L’universalité du devoir repose sur la rationalité de la loi morale : mon action doit pouvoir être érigée en principe d’action valable pour tous les hommes. L’action immorale, en fait, est d’abord un manque de respect envers soi, et par conséquent envers l’humanité. Agir moralement, ce n’est pas agir en vue d’une fin (obtenir de l’argent, des honneurs, etc.) mais agir parce qu’il faut faire son devoir par pur devoir.

 

C’est avec l’interprétation kantienne de la moralité que le devoir devient central. Avant Kant, en effet, les moralistes s’étaient beaucoup plus préoccupés des fins de la morale, de ce qu’elle permettait d’espérer ou d’obtenir. Pour les uns, il s’agissait du bonheur (les Eudémonistes), pour les autres, il convenait de privilégier le plaisir (les épicuriens).

 

Pour Kant, le bonheur est un but trop élevé. Nous ne pouvons que nous en rendre dignes. Et le plaisir est un objectif trop prosaïque.

 

Que dois-je faire ? C’est la question centrale du devoir et l’analyse kantienne est incontournable. Pas de devoir sans liberté ni sans volonté autonome de se déterminer par soi-même.

 

 

3 – Que dois-je faire ?

 

Qu’est-ce que faire son devoir ? Le bien est obéissance à une loi morale universelle dans laquelle chaque personne se reconnaît et que chacun doit mettre en pratique. Rien n’est vraiment bon en ce monde qu’une bonne volonté, une intention absolument pure, c'est-à-dire une intention de faire le bien, non pas parce qu’on a envie de faire le bien envers certaines personnes, non par inclination sensible, mais par devoir.

Il s’agit donc d’un commandement que l’homme se donne à lui-même. Un commandement est un impératif. Kant distingue l’impératif catégorique et l’impératif hypothétique. L’impératif hypothétique ou conditionnel ordonne sous condition. Il est subordonné aux règles de l’habilité ou au conseil de prudence : « travaille, si tu veux réussir », par exemple. L’action est un moyen en vue d’un résultat. L’impératif catégorique ordonne sans condition, en tous temps et en tous lieux.

 

Les trois maximes de l’impératif catégorique (Emmanuel KANT)

L’impératif catégorique est le seul qui soit moral car il ordonne sans condition. Il n’y aurait qu’un seul impératif catégorique : « Agis uniquement de telle sorte que la maxime de ton action puisse devenir en même temps une loi universelle », écrit Kant dans Les Fondements de la métaphysique des mœurs. Ce principe d’universalité revient à considérer l’être raisonnable comme une fin en soi.

 

Cette maxime insiste sur le fondement du devoir qui est l’universalité, sans laquelle il ne peut y avoir de devoir comme obéissance à une loi. En effet, toute particularité détruirait la loi en lui faisant perdre son essence d’être « pour tous ».

 

La deuxième maxime dit ceci : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité dans ta personne aussi bien que dans celle d’autrui toujours en même temps comme un fin et jamais comme un moyen. » La personne justifie l’impératif catégorique. La morale revient à respecter la raison qui a pour conséquence le respect de la personne humaine.

 

La troisième maxime conclut : « Considère l’ensemble des êtres raisonnables comme formant un Empire des Fins dans lequel chacun est à la fois législateur et sujet, et comporte-toi en membre de l’Empire des Fins. » Il faut toujours traiter la personne humaine comme une fin, jamais comme un moyens.

 

Kant distingue l’autonomie (obéir à la loi qu’on s’est prescrite et valable pour tous), de l’hétéronomie (obéir à une loi extérieure), déterminée par une loi de l’intérêt, de la sensibilité, de la prudence, bref une loi non issue de la raison. L’anomie est le fait de vivre sans loi. L’impératif catégorique commande donc à l’individu de respecter la personne en elle-même et en chaque être humain. La conscience morale concerne le bien et le mal, ce qui doit être ou ce qui ne doit pas être. La première loi du devoir est celle de l’inviolabilité de la personne humaine. Le premier souci de l’homme est l’autre face à lui, la personne. Si je ne me soucie que de moi, je n’accomplis pas d’acte entièrement moral. C’est à partir du  moment où je considère autrui que mon acte devient moral. Une seule personne contient en elle l’humanité tout entière (Voir Montaigne et son ouvrage Essais).

 

livret numérique philosophie pratique

La suite de ce cours est disponible en e.book payant avec dans le carnet téléchargeable qui vous est proposé en cliquant ici... les textes qui se rapportent au thème, un sujet de dissertation, un exemple possible d'un commentaire de texte, des fiches auteurs, un glossaire et des citations.


PayPal