La société

 

 

La société est le cadre dans lequel se développent les êtres humains. C’est pourquoi société et individu ne peuvent se définir que l’un par rapport à l’autre. Il n’y a pas d’être humain qui puisse vivre en dehors de l’état de société, du moins dans les premières années de son existence. On peut donc dire que l’homme naturel est un mythe. Aristote plonge d’emblée l’homme dans la société et les philosophes du contrat, même s’ils partent d’un état de nature antérieur à la société précisent que cette idée est une fiction de l’esprit.

 

La société est donc une réalité première. Distinguons tout d’abord la société humaine de la société animale. Une société animale est close et se caractérise par la répétition et la domination de l’instinct. Au contraire, une société humaine est ouverte et fondée sur la culture. Chaque membre est capable d’y exercer plusieurs fonctions. La société n’est pas seulement un fait de nature mais également un produit de culture. La culture donne un sens à la société. Pourtant, l’état de société s’il définit la réalité humaine ne va pas de soi. Les êtres humains ne se reconnaissent pas toujours dans les lois qui les régissent et de ce fait le champ social est souvent conflictuel.

 

L’homme est par nature un être qui vit en société, un « animal politique » comme le dit Aristote (voir texte). L’homme existe d’emblée dans cette réalité politique, c'est-à-dire sociale. Cette nécessité est d’abord d’ordre économique. L’homme isolé ne peut subvenir seul à l’ensemble de ses besoins ; de plus sans possibilité de se reproduire, l’espèce humaine aurait disparu depuis longtemps. Il n’a y a donc pas d’état pré-social. L’homme se pense à partir de la société dans laquelle il évolue et dans laquelle il réalise son essence humaine et ses potentialités. La société n’est donc pas comme on le croit généralement une réalité, autonome, distincte des êtres humains, mais est le fait constitutif de l’humanité. La société est  la fois enveloppe protectrice et la condition initiale de toute vie humaine. Il n’existe pas d’homme qui ait pu se développer en dehors d’une société.

 

Aristote a bien cerné le fait que l’homme est un animal politique et que ses facultés ne peuvent se développer pleinement qu’au sein d’une cité : « celui qui, par son naturel, et non par l’effet du hasard, existerait sans aucune patrie, serait un individu détestable, très au-dessus ou très au-dessous de l’homme. (...) Celui qui serait tel par sa nature ne respirerait que la guerre, n’étant retenu par aucun frein, et comme un oiseau de proie, serait toujours prêt à fondre sur les autres. Aussi l’homme est-il un animal civique, plus social que les abeilles et autres animaux qui vivent ensemble. » Politique.

 

Cette conception d’Aristote d’un homme naturellement sociable vivra jusqu’à l’hypothèse du contrat, c'est-à-dire d’une société constituée artificiellement, société seconde donc par rapport à l’état de nature. Il faut, dit Hobbes, « mourir à la nature pour naître à la vie sociale ».

 

La réflexion de Rousseau sur l’homme à l’état de nature et son passage à l’état civil (voir commentaire de texte) a fortement influencé les idées de la Révolution française : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen reprend les idées du Contrat social. Rousseau imagine un âge d’or de l’humanité, antérieur à la civilisation. Cet état est une fiction, une hypothèse de travail, qui lui permet de concevoir comment l’homme vivrait s’il était affranchi de tout lien social contraint, entièrement libre, et de décrire ce que devrait être l’état social. A l’état de nature, l’individu naturellement bon a une vie idyllique, sans contraintes, sans lois. Guidé par ses instincts, bons eux aussi, l’homme trouve le bonheur dans une vie frugale et simple. Mais il est solitaire : il n’a ni raison, ni langage, ni morale, car raison, langage et morale, qu’il possède potentiellement, ne peuvent s’actualiser qu’au contact des autres. Le passage de l’état de nature à l’état social est donc nécessaire : il est ce par quoi l’homme devient homme, être de raison, être moral qui utilise le langage pour communiquer, se perfectionner. La société est donc une nécessité. Source d’inégalités, c’est néanmoins la seule façon pour l’homme de se découvrir humain et perfectible. Il n’y a donc d’homme que civilisé, c'est-à-dire évoluant au sein d’une société.

 

Hegel, contrairement à Rousseau, pense que l’état de nature est un « état de rudesse, de violence et d’injustice » et non de bonté. Les hommes ne sortent de cette impasse que par la raison instaurant une société régie par l’ordre du droit et non plus par l’ordre naturel.

 

Deux paradoxes créent la société. Kant part de l’idée que l’homme oscille en permanence entre vouloir vivre ensemble et collaborer avec les autres pour se développer et s’isoler pour défendre ses intérêts particuliers. C’est ce qu’il appelle « l’insociable sociabilité » (voir texte). Les hommes ont à l’égard de l’a société une attitude de rejet et d’adhésion. La réalité sociale est tour à tour perçue comme une valeur positive ou négative. Kant démontre que cette contradiction permet non seulement à la société de perdurer mais aussi de se développer en stimulant la concurrence.

 

L’essence de l’homme est donc de dépasser l’état de nature où règnent la violence et le désordre, de nier le monde naturel, celui de l’animalité. C’est l’éducation qui transforme l’homme. « L’espèce humaine doit peu à peu, par son propre effort, tirer d’elle-même toutes les qualités naturelles de l’humanité. Une génération éduque l’autre », écrit Kant. Seule la discipline permet le passage de l’animalité à l’humanité : la raison remplace l’activité instinctive. L’éducation est ce procédé qui développe la sociabilité.

 

Pour Kant, la morale exige une forme universelle de relation avec autrui. « L’homme, et en général, tout être raisonnable, existe comme une fin en soi, et non pas simplement comme un moyen dont telle ou telle volonté puisse user à son gré ». (Kant, Fondement de la métaphysique des mœurs). L’exigence éthique définit pleinement l’être humain comme un sujet raisonnable. Agir conformément aux règles de la raison ne peut être le fait d’un être de nature mais d’un être spirituel.

 

On voit donc que les sociétés humaines ont des aspects que l’on ne retrouve pas dans la nature. Mais tout est-il aussi simple ? L’homme se laisse-t-il faire ? Est-il naturellement agressif ? Quelle est la part de la société dans la violence humaine ?

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