L’inconscient

 

 

Dans le cours sur la conscience, nous avons vu que celle-ci est un attribut spécifiquement humain. Certains auteurs, notamment Descartes, nous proposent un chemin pour y accéder. Avec Socrate, les Stoïciens et Descartes, l’homme, par sa conscience, est un être à part au sein de la création, un être doté d’une capacité de maîtrise.

 

Mais tout est-il conscient ? Au XVIIème siècle, Leibniz s’interroge sur ces « petites perceptions inconscientes » qui agissent à notre insu. Au XIXème siècle, Marx définit la conscience non plus comme une source du  monde mais au contraire comme produit social historique. Nietzsche aura l’intuition d’une force supérieure totalement séparée de la conscience. Mais c’est Freud qui soupçonne l'existence d’une puissance obscure qui influence nos actes. Notre psychisme contiendrait une force indépendante de la conscience bien plus puissante qu’elle. Ce déterminisme psychique détrône la conscience et décentre l’homme.

 

Avec la découverte de l’inconscient, Freud estime avoir infligé la troisième blessure à l’humanité.

 

Voici la chronologie qu'il retient :

 . première blessure : Copernic (la terre n’est pas au centre de l’univers),

. deuxième blessure : Darwin : l’homme n’est pas arrivé le premier sur la terre, il est arrivé tardivement ; il est le fruit d’une évolution ;  il n’a pas été créé par Dieu, ni à son image,

. troisième blessure : Freud. Le Moi n’est le maître dans sa maison. Il existe quelque chose de plus profond, un inconscient psychique.

 

Nous allons voir que la notion d’inconscient mise à jour par Freud remet donc en cause la conception classique d’un homme maître de lui grâce à sa conscience. L’homme serait au contraire gouverné à son insu par des forces obscures auxquelles il ne pourrait avoir accès.

 

 

1 – LES CONCEPTIONS NON PSYCHANALYTIQUES DE L’INCONSCIENT

 

Dès le XVIIème siècle, Spinoza (voir texte) relevait le fait que nous ignorons « ce que peut le corps » anticipant ainsi l’idée d’inconscient. Aujourd’hui, ce mot évoque immédiatement le concept défini par Freud. Mais il existe d’autres types d’inconscients. 

 

Le concept d’inconscient selon Leibniz (voir texte).

 

L’idée qu’une partie de notre psychisme échappe à la conscience n’est pas une nouveauté. Avant Freud, certains philosophes ont montré que la représentation cartésienne du psychisme humain est insuffisante. Pour Descartes, l’esprit s’identifie à la conscience, à une pensée claire et distincte. Nous pouvons avoir accès par la conscience à tout ce qui se passe en nous, sans possibilité d’erreur.

 

Leibniz a répondu à Descartes que cette conception du psychisme humain était insuffisante. Pour Leibniz, il n’est pas possible de rendre compte du psychisme et du comportement humain sans reconnaître l’existence de pensées inconscientes. Nous n’avons pas accès à tout ce qui se passe en nous. La pensée n’est pas toujours pensée consciente : nous pensons mais nous n’avons pas conscience de toutes nos pensées. (voir texte « Les petites perceptions »).

 

Leibniz soutient qu’il existe deux sortes de perceptions :

 

. les perceptions non réfléchies (les petites perceptions). Je pense ou je perçois quelque chose mais sans y prêter attention,

 

. les perceptions réfléchies : les aperceptions. Je pense ou je perçois quelque chose et je sais que je le pense et que je le perçois. Je suis donc conscient d’avoir conscience de quelque chose.

 

Leibniz prend l’exemple du bruit de la mer : pour que nous entendions ce bruit, il a bien fallu que nous percevions la multitude des vagues qui le compose. Pourtant, nous sommes incapables de distinguer le bruit de chaque gouttelette ou vague dans cet ensemble. Nous les avons perçues sans en prendre conscience. Ainsi, la conscience est en partie obscure à elle-même.

 

Quelques raisons pour cela :

 

. je suis tellement habitué ou trop occupé que je n’y fais plus attention,

. le bruit est trop petit.

 

La première raison est subjective : elle dépend de la nature du sujet, de ce qui l’intéresse. Ici la conscience sélectionne sans le savoir toutes les informations qui viennent de l’extérieur. Cette disposition de la conscience est salutaire, nous serions submergés si elle ne le faisait pas.

 

La seconde raison est objective, elle tient à la nature des choses. Ce dont nous nous apercevons, c’est toujours d’un tout : or, il faut bien qu’il y ait des parties puisqu’il y ait un tout. Nous percevons le bruit global de la mer mais pour cela il faut bien que nous ayons des petites perceptions de chaque vague, de chaque goutte d’eau. Nous percevons donc un effet.

 

Ce que nous montre l’exemple de la mer, c’est bien la nécessité de reconnaître l’existence de pensées ou perceptions inconscientes qui ne laissent pas toujours un effet sur nous mais qui ne sont aperçues qu’à un certain moment. La conscience est limitée parce que sélective. Nous ne pouvons pas tout saisir de nous-mêmes et du monde. La vie de l’esprit n’est pas entièrement dominée par la conscience.

 

Chez Leibniz, la conscience émerge de l’inconscient. Il y a un passage progressif de l’inconscience à la conscience. C’est une intégration par franchissement de différents seuils d’intensité. Les phénomènes conscients sont l’assemblage global d’éléments trop petits pour que chacun d’eux soit aperçu à part. Nous passons à la conscience à partir d’éléments inconscients.

 

Au-dessous ou au-dessus d’un certain seuil, un stimulus ressenti et enregistré par nos sens n’est pas perçu (voir les images ou sons subliminaux). Il s’agit d’un inconscient physiologique.

 

Freud, au contraire, va élaborer le concept d’un inconscient qui est une instance psychique et distincte de la conscience ayant ses propres structures et ses propres lois de fonctionnement et d’action.

 

Inconscient et concentration (Kant, Condillac)

 

L’inconscient peut également concerner les actions. Par exemple, si je me promène dans la rue avec un ami, je suis absorbé par la conversation et je garde en même temps une certaine disponibilité pour remarquer les obstacles divers puisque j’en tiens compte dans la façon dont je me déplace. Il semblerait que mon corps gère seul l’ensemble de ces stimuli pour me laisser libre de répondre ce que je souhaite à mon ami. Cet exemple met en évidence le lien qui existe entre conscience, automatisme et concentration. Ce qui est automatique est évacué de la conscience.  Condillac a insisté sur le lien entre inconscient et concentration : si je me concentre sur une partie d’un champ de perception, le reste devient imperceptible en raison de ma grande concentration.

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