Le désir

 

 

Tous les hommes connaissent le désir. Tandis que les animaux se contentent de satisfaire des besoins, il semble que l’homme ne puisse pas connaître cet apaisement du corps sans éprouver aussitôt une autre insatisfaction qui va du simple mal-être à l’angoisse. Car le désir ne cesse jamais de désirer comme si nous étions toujours mus par une force qui nous dépasse : sitôt une satisfaction atteinte, voilà qu’une autre surgit aussitôt, pour nous tirer de notre sérénité. Le désir serait alors la marque de notre nature humaine divisée entre des tendances contradictoires et expliquerait une incessante fuite en avant.

 

1 – Distinction entre désir et besoin

 

Les besoins sont universels et constants alors que les désirs sont particuliers et diversifiés.

 

2 – Mais tous les désirs ne résultent pas de besoins

 

Nous faisons tous l’expérience de désirs dont nous savons bien qu’ils ne sont pas réellement des besoins mais que nous jugeons tels. Ainsi en va-t-il du besoin de fumer. Dans le Gorgias de Platon, Socrate prenant l’exemple de la soif, montre que le désir est à la fois une souffrance et un plaisir : si j’ai soif, je bois, et j’éprouve alors du plaisir, tandis que la sensation désagréable de la soif disparaît. La satisfaction du désir de boire aboutit au plaisir. Or, les choses ne sont pas si simples car tandis que je bois, ma soif et mon plaisir de boire diminuent ensemble.

 

On aboutit donc à l’existence simultanée de la douleur et de la jouissance, comme si bonheur et malheur, souffrance et plaisir étaient nécessairement liés : sans la soif, qui est un déplaisir, il n’y aurait pas le plaisir de boire.

 

3 – Désir et manque

 

Le désir peut être aussi la quête d’une étoile perdue, ce jardin d’Eden où rien de douloureux ne peut survenir. Le monde réel est source de souffrance, alors nous imaginons un autre monde. Les croyants parient sur un monde meilleur après la mort où les justes et les vertueux recevront leur récompense.

 

Si nous désirons un objet, c’est parce que cet objet nous manque. Mais cela ne suffit pas, car si l’objet du désir était la seule chose poursuivie, son obtention ferait cesser le désir, tout désir. Or la caractéristique même du désir est de se renouveler, avec souvent le sentiment que l’objet désiré, une fois obtenu, n’est finalement pas si intéressant. (voir les cadeaux de Noël).

Le désir est lié au manque mais combler le manque n’aboutit pas à l’extinction du désir. L’insatisfaction chronique du désir peut être dépassée par l’ascèse, pratique permettant de résoudre le problème du désir par le renoncement à tout plaisir.

 

Rival, voire ennemi de la raison, le désir fait peur et inquiète. C’est pourquoi la philosophie a longtemps lié désir et morale. Le désir qui sort l’homme de l’animalité peut, par ses excès, l'y faire retomber car il est par essence toujours inextinguible.

 

Dresser une classification des désirs et des plaisirs qui leur sont liés peut être une première réponse. On distinguera alors les plaisirs du corps et ceux de l’âme, comme le font Platon dans La République (livre IX) et Aristote dans l’Ehtique à Nicomaque(libre VII). S’il faut faire un usage modéré des plaisirs du corps, c’est parce que les excès conduisent à un déséquilibre psychique par lequel l’individu n’est plus maître de lui, et dépend totalement des objets du monde extérieur. Il est alors capable de toutes les turpitudes inscrites dans l’âme humaine.

 

4 – Privilège du désir amoureux selon Platon

 

Le désir amoureux permet une ascension intellectuelle. C’est un moyen d’accès au monde intelligible. Le désir amoureux est chez Platon l’occasion de s’élever du monde sensible au monde intelligible (le monde sensible, c’est le monde au quotidien, le monde intelligible c’est le monde du philosophe).

 

1ère étape : l’amour d’un beau corps : durant notre vie nous allons tomber amoureux de quelqu’un et cet amour débute très souvent par un attrait physique : amour d’un beau regard, d’un sourire, d’une silhouette, d’une façon de se mouvoir dans l’espace. C’est ici l’amour au quotidien avec sa sexualité.

2ème étape : S’il y a un beau corps, il y en a d’autres. La beauté plastique existe donc et cette première étape est l’opportunité de passer  la seconde. Mais ici, il n’y a plus de sexualité c’est « un amour platonique ».

3ème étape : ce qu’il y a de plus important que les beaux corps ce sont les belles âmes. L’important chez une personne ce n’est pas son physique mais sa bonté, sa gentillesse, etc. et c’est cela qui doit nous intéresser selon Platon.

4ème étape : mais s’il y a des gens bons, généreux, etc. c’est que la bonté existe en dehors de toute incarnation. C’est ce que Platon appelle la vertu. Nous quittons les corps physiques.

5ème étape : c’est la dernière celle où le philosophe reconnaît qu’au-delà des belles vertus il existe la Beauté en soi qui n’est pas descriptible car si on la décrivait on retomberait dans une des étapes précédentes.

Donc le désir amoureux est l’occasion de retrouver le beau en soi par une ascension intellectuelle.

 

Le Beau est probablement la notion platonicienne dont le champ d'extension est le plus vaste. Il existe de beaux objets, de beaux corps, de belles actions, de belles âmes et même un Beau intelligible. Et c'est l'amour qui fait que l'on désire et que l'on découvre tout cela, un amour médiateur. L'intervention de l'amour comme moyen d'accès au Beau présente un intérêt tout particulier dans le contexte de la philosophie platonicienne : il s'agit de la seule passion qui puisse avoir pour objet à la fois le sensible et l'intelligible. Le Beau est un moyen d’accès incomparable.  

 

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