La perception

 

La perception est ce par quoi le monde vient à nous par l’intermédiaire des sens. Perception vient du latin perceptio qui signifie action de recueillir, de se saisir de, alors que sensation vient de sensus, le sens ou la sensation. La perception nous livre donc un certain nombre d’informations sur le monde. L’homme perçoit le monde mais, à la différence des animaux, il est conscient de ce qu’il perçoit. C’est donc bien la conscience qui organise et donne ensuite sens à ce qui est perçu. Le moi est le point de départ de la perception. Nous traiterons d’abord de la perception extérieure. La perception extérieure est la faculté de se représenter des objets extérieurs, présents ici et maintenant. Mais cette faculté ne va pas de soi et nous pouvons aussi nous demander si elle permet de construire une connaissance cohérente du réel.

 

. Sensation, perception, construction

 

La perception nous met en contact avec le monde extérieur. Point de rencontre entre l’objectif et le subjectif, la perception se situe à la croisée de ces deux chemins : le chemin du vécu, concret, particulier, subjectif, et celui, objectif, de l’abstrait, de l’universel. Elle soulève plusieurs questions : Quelle est la part de l’immédiat et du construit dans la représentation ? Percevons-nous tous le même monde ou percevons-nous de la même façon ? Le problème de la réalité objective du monde extérieur est le point crucial du chemin vers la connaissance.

 

La sensation est le phénomène élémentaire, le matériau brut donné par nos sens. La perception est l’interprétation des sensations comme représentatives d’un objet ou d’un phénomène. La perception est une forme de conscience plus élaborée que la sensation. Je reçois une sensation et en ce sens je suis passif, alors que dans la perception, je suis actif, j’agis, je distingue, je sélectionne, j’organise. Cette organisation se fait-elle spontanément ou a-t-on besoin d’un apprentissage ?

 

Alain remarque que la forme cubique, le dé par exemple, ne se donne jamais à voir entièrement. Nous ne voyons jamais tous les côtés en même temps, mais par l’apprentissage, nous savons identifier un cube : « la perception est déjà une fonction de l’entendement » dit-il. De même, selon notre éducation ou culture, nous appréhendons le monde différemment. Il y a donc bien apprentissage. Il faut apprendre à voir, à écouter, à sentir, à goûter, à toucher et découvrir peu à peu qu’il y a plusieurs manières de percevoir le monde extérieur et donc de l’organiser.

 

Se pose ensuite la question de l’illusion des sens. L’illusion est étrangère à la réalité et s’installe au niveau de la perception ou de la croyance. Descartes s’intéresse à l’illusion d’optique : il prend l’exemple d’un bâton dont une partie se trouve immergée et que nous voyons brisé. Nos sens nous trompent, dit-il. L’esprit corrige alors l’image car en réalité le bâton n’est pas brisé, seule l’action de la lumière nous l’a fait percevoir ainsi. Nous pouvons être également la proie d’hallucinations, dans le désert par exemple.

 

En fait, percevoir, c’est construire et interpréter la réalité. C’est par la perception que j’appréhende le monde extérieur. Elle est ma première connaissance du monde des choses et des relations que j’y développe. A mesure que l’homme prend conscience du monde, il cherche à l’organiser. Cette organisation se construit selon une stratégie propre, selon ses capacités, ses apprentissages et son ouverture d’esprit. La réalité de chacun n’est pas neutre. Le monde perçu est un monde conçu.

 

La perception identifie, met de l’ordre dans le monde et lui donne sens. Ainsi, toute perception est d’abord interprétation.

 

. Construire le monde

 

Pas de perception sans sujet qui perçoit. Le sujet joue un rôle essentiel dans la construction de la réalité. La perception serait donc avant tout une mise en perspective. Elle vient d’un sujet qui adopte un point de vue. Berkeley pense que rien n’a de réalité s’il n’est perçu : « Etre, c’est être perçu ou percevoir » ; ou celle de l’empiriste John Locke qui considère l’esprit comme une page blanche vierge que nous remplissons car rien n’est inné, tout est acquis, toutes nos représentations sont donc issues de l’expérience. Pour John Locke, toutes nos connaissances proviennent de l’expérience. Repoussant la thèse cartésienne des idées innées, il pense que notre connaissance provient de l’observation des objets extérieurs par les sens, et de l’observation des « opérations intérieures de notre âme ». Nos sens, frappés par ces objets intérieurs, font «entrer dans notre âme » différentes perceptions, dont la forme dépend de la nature des objets et des sens qu’ils touchent. Mais qu’en est-il des idées abstraites, et en particulier de notre idée même de perception ? Pour Locke, elles résultent aussi d’une perception mais d’une autre nature. Ici, se sont bien des idées que nous percevons, sortes d’états intérieurs de notre âme, qui ne trouvent pas leur origine dans les sensations, mais qui cependant ne pourraient exister sans elle.

 

Platon nous montre que la perception peut être trompeuse. Le dialogue entre Socrate et Théétète dans le Théétète de Platon pose clairement le problème de la perception. Si elle nous livre bien des informations sur le monde qui nous entoure, elle nous donne aussi l’impression d’être conforme à la réalité. Or, Socrate a vite fait de montrer que ces sensations peuvent se contredire, de sorte qu’elles ne sauraient à elles seules constituer la base de notre connaissance. Elle ne peut s’arrêter à des données contradictoires : nous avons besoin de savoir ce que sont les objets en eux-mêmes. Mais un dépassement des risques d’illusion propres à la connaissance implique qu’on en connaisse bien les mécanismes, afin de faire la part de ce qui appartient aux objets et de ce qui résulte de nos structures psychophysiques. C’est aussi l’avis de Descartes, qui observant un morceau de cire, l’approche de la flamme, puis le refroidit en en conclut que la perception n’est pas un contact sensible mais un jugement. Je perçois le morceau de cire qui fond, se transforme, mais je conçois que la « même cire demeure » alors que pour la perception le morceau de cire initial a disparu. Pour Descartes, la vision dépend de la nature de l’œil, mais c’est l’esprit qui voit, parce que c’est lui qui interprète.

 

C’est par l’entendement, la compréhension que nous accédons à la nature des choses. Même si toute perception dépend du corps, toute perception est une perception de l’esprit. Il y a une différence essentielle entre percevoir et concevoir.

 

Mais comment rendre compte du passage de la perception à la pensée ? 

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